Jacques Duchesneau raconte
15 mars 2019L’éthique : cosmétique?
8 avril 2019Lors de la sortie publique du rapport annuel 2018 du BIPA, Jacques Duchesneau a accordé une entrevue à CIME FM. Écoutez-la ou lisez-la.
Photo: Jacques Duchesneau, inspecteur général à la Ville de Saint-Jérôme, et Justine Vachon, journaliste-animatrice à CIME FM
Pour écouter l’entrevue (24 min)
Pour consulter le rapport annuel 2018 du BIPA
Quelles sont les grandes lignes du rapport annuel 2018?
Le BIPA n’a rien coûté depuis sa création. Dans la première année, nous avons récupéré près de 1,5 M$, et il y aura d’autres sommes qui seront encaissées dans les années qui viennent. Nous avons aussi permis à la Ville de Saint-Jérôme de faire des économies importantes, notamment en scrutant des contrats. Par exemple, dans un contrat, nous avons permis à la Ville de sauver 759 000 $.
À quoi ressemblera l’année 2019 pour le BIPA?
Nous poursuivrons notre vitesse de croisière. Nous développerons encore plus nos liens avec nos partenaires, dont les bureaux d’enquête de Montréal, Laval et Longueuil, ainsi qu’avec l’UPAC.
Justement, sur les enquêtes que le BIPA a complétées, combien ont été transférées à l’UPAC?
Nous avons transmis trois dossiers à l’UPAC, avec qui nous avons eu une très bonne collaboration. Mais vous comprendrez que je ne peux en dire davantage.
Parlez-nous des signalements.
La première année, nous avons eu beaucoup de signalements qui concernaient les relations de travail à la Ville. Ces signalements ne rejoignaient pas notre mandat, donc nous les avons référés à la direction générale. Cette année, ce que j’aime beaucoup, c’est que les signalements viennent surtout des employés. C’est la preuve évidente que nous sommes en train de changer la culture.
Dans une vision de court terme, qu’est-ce qui a été fait par le BIPA?
Nous nous sommes d’abord penchés sur l’octroi de contrats. Vous savez, la politique de gestion contractuelle veut que les contrats soient donnés aux plus bas soumissionnaires conformes, Mais nous, on veut aller plus loin. On se demande toujours : payons-nous le juste prix? Ce n’est pas parce que trois personnes nous soumettent des prix que c’est nécessairement les justes prix. Il faut donc que nous développions à moyen terme des méthodes pour savoir combien coûtent 10 m de trottoir, 1 km de rue, etc. Nous pourrons alors nous comparer à d’autres villes et voir si nous payons le juste prix ou si les prix ont été gonflés.
Donc, ça coûte combien à la Ville de Saint-Jérôme?
Vous savez, la Commission Charbonneau a dit que les contrats d’infrastructures avaient été gonflés de 22 % à 35 %. Alors, il faut identifier quelle est la situation ici à la Ville de Saint-Jérôme.
La question qui surgit toujours à mon esprit quand je vois de la corruption, c’est : « Qu’est-ce qu’on dit aux gens honnêtes? » Je pense aux gens qui se lèvent tous les matins, qui veulent aller travailler, qui veulent avoir des contrats des institutions publiques, mais qui ne sont jamais capables d’entrer dans le système. Il est là le drame de la corruption. Il n’est pas uniquement monétaire. C’est le fait que des gens perdent espoir. C’est pour cela que nous faisons des enquêtes.
– Jacques Duchesneau
Inspecteur général,
Ville de Saint-Jérôme
Vous dites que le BIPA amasse de la preuve pour éventuellement permettre à la Ville d’entamer des poursuites judiciaires. À quand ces poursuites?
C’est pour bientôt. Je peux vous dire que nous avons travaillé très fort dans un dossier en particulier… 139 allégations. C’est beaucoup de travail pour fouiller tout ça. Vous savez, plus on se prépare pour aller devant les tribunaux et qu’on amasse de la preuve solide, moins on a besoin de négocier longtemps.
Donc, ça veut dire que l’attente sera payante?
Elle a été payante jusqu’à maintenant. Je le répète, le BIPA n’a rien coûté depuis les deux dernières années. Nous avons même dégagé un surplus. Nous avons aussi fait de la prévention. Nous voulons que les gens comprennent qu’il y a des mesures qui sont en place et qui permettent de dépister et de détecter les personnes qui pourraient vouloir abuser de la Ville. Aucune organisation n’est capable de prévenir la corruption si elle n’effectue pas un changement de culture.
Le BIPA entame la troisième année de son mandat. Y aura-t-il une suite?
Nous sommes en pourparlers avec la Ville. Vous savez, c’est comme un service d’incendie. Ce n’est pas parce qu’il y a moins de feux qu’il est possible de mettre la clé dans la porte. Si le BIPA fait de la prévention et existe à coût nul, c’est dans l’intérêt de la Ville de Saint-Jérôme qu’on reste en place. Vous savez, pour changer une culture, ça peut prendre une génération. Je pense que nous serons là pour longtemps.
J’ai toujours dit qu’au Québec, si on avait travaillé la corruption de manière efficace durant les 10 dernières années, le CHUM, le CUSM, le pont Champlain et l’échangeur Turcot ne nous auraient rien coûté.
– Jacques Duchesneau
Inspecteur général,
Ville de Saint-Jérôme
On s’est fait dire par la Ville que le BIPA était permanent. Est-ce que l’équipe pourrait s’agrandir pour pousser encore plus loin la machine?
Dans le milieu des enquêtes, on dit souvent qu’un enquêteur est aussi bon que la somme de ses informations. Je ne suis pas sûr que nous ayons besoin d’une plus grande équipe. Ce qu’il nous faut, c’est étendre nos tentacules dans la Ville, avoir des contacts un peu partout, faire en sorte que les gens nous appellent, établir un climat de confiance. Une enquête part toujours d’une information. Alors, si nous sommes capables d’avoir beaucoup d’informations, c’est bien. La dernière année nous a prouvé qu’en tissant des liens avec les gens, nous sommes capables de faire des pas de géant.
Rappelez-nous les façons de faire un signalement.
Notre ligne de signalement a un numéro un peu magique. Les deux millions de personnes qui suivent l’émission District 31 s’en souviendront! Notre numéro est le 450 431-0031. Et notre site Web est le www.bipa-vsj.ca. C’est possible d’y faire un signalement par formulaire sécurisé. Nous avons aussi un nouveau blogue qui souligne l’importance de la lutte à la corruption. Vous savez, les jeunes d’aujourd’hui ont été éveillés dès leur jeune âge à l’environnement. Dans les années qui viennent, le nouveau défi sera que les jeunes comprennent qu’ils ne peuvent prendre quelque chose qui ne leur appartient pas. Ils ne peuvent contourner les systèmes mis en place. J’espère qu’ils diront qu’ils sont capables de vivre dans un environnement où les chances sont égales pour tout le monde. Avec la Commission Charbonneau, on a vu que, dans certains dossiers, ce sont souvent les mêmes 3-4 entreprises qui gagnent les contrats.
Si vous aviez à parler à une entreprise ou à des employés qui savent que les choses se passent de façon un peu croche, que leur diriez-vous?
Que la corruption est un mal beaucoup plus néfaste qu’on le pense. Quand il y a de la corruption, des services essentiels ne peuvent plus être donnés – parce qu’il y a une limite à imposer des taxes. Ce sont des milliards de dollars qu’on s’est fait voler au Québec. Ici, à Saint-Jérôme, si on fait attention aux contrats, ce sont des rues entières qui pourront être repavées, des infrastructures qui pourront être rénovées, des services à la population qui seront offerts à meilleur coût.
Pour signaler toute irrégularité en matière de passation de contrats ou tout manquement à l’intégrité à la Ville de Saint-Jérôme :
450-431-0031 |
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